Passé malien et blocus du JNIM : Quand le pouvoir de Bamako est mis devant les faits accomplis

Après la chute du président légitime Ibrahim Boubakar Keita, le 18 août 2020, la junte militaire 

au pouvoir, après cinq ans de règne et de dépenses énormes dans la logistique militaire, a maille à faire décoller la lutte contre les forces du mal. Plus de Barkane, plus de MINUSMA, plus de G5 Sahel pour recevoir des accusations fortuites fusant de part et d’autre.Sur le sol malien et dans le ciel, il n’y que les FAMa et l’Africa Corps, deux armées équipées et dopées d’esprit souverainiste pour conquérir chaque kilomètre du territoire de la République du Mali.

Le souverainisme, oui, mais la sécurité prime sur tout. Subrepticement analysé, il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il n’y a pas de sécurité, ni de développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés.Si la sécurité comme une des conditions primaires du développement a toujours été une évidence, à l’inverse, le développement comme une des garanties de la sécurité, l’était moins.Aucun ordre social n’est possible dans un système de justice privée où prévaut la loi du plus fort et le conflit permanent de tous contre tous. Alors que le développement est un processus long et endogène, l’Afrique est le continent des conflits, de l’urgence et des tsunamis silencieux.

L’Afrique, relativement épargnée jusque-là, est même devenue le « nouvel eldorado » du terrorisme international suite au « printemps arabe » qui a conduit au début de l’année 2011 au basculement de certains pays arabes tels que la Tunisie et l’Egypte dans des troubles internes sévères, et d’autres tels que la Libye, le Yémen et la Syrie dans des conflits armés internes.La guerre économique menée par les groupes armés terroristes au Mali entraîne de graves conséquences, comme l’incapacité de l’État à fournir des services essentiels, une insécurité routière généralisée qui paralyse le commerce, une dégradation de l’économie et des investissements, ainsi qu’une intensification des mouvements de population et de l’exploitation des ressources.

L’histoire de la guerre économique des djihadistes au Sahel 

remonte à bien loin avant la junte. Les principaux groupes armés terroristes au Mali sont le Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), affilié à Al-Qaïda, et l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS).Le JNIM, qui est très actif, a plusieurs branches comme la Katiba Macina dans le centre du Mali. Ces groupes sont responsables d’une partie importante des violences dans la région et ciblent aussi bien les forces de sécurité que les civils.Les principaux mouvements rebelles au Mali incluent le Groupe d’autodéfense Touareg Imghad et alliés (GATIA) et le Mouvement pour le salut de l’Azawad, souvent alliés pour opérer sur le terrain, bien que leurs affiliations puissent être complexes et changeantes.

D’autres groupes armés, tels que les mouvements djihadistes et des groupes autrefois connus comme le MNLA, les milices arabes et Ansar Dine, ont également été impliqués dans le conflit, selon l’évolution du contexte. Faut-il revenir au «vrai dialogue entre maliens pour sauver ce qui peut l’être encore ?Urbi et orbi au Mali, les combats ont repris entre les groupes armés et les forces gouvernementales, alors que les affrontements se poursuivent avec les jihadistes. L’initiative d’un dialogue inter-malien, proposée par Bamako, constituait une occasion de rétablir le calme. Hélas, la montagne n’a accouché que d’une souris.

Le remplacement de Wagner par l’Africa Corps s’accompagne de nombreuses interrogations sur l’efficacité de la coopération militaire. Le paysage sécuritaire malien continue de faire sa mue avec la présence des forces russes présentes dans le pays. Le 6 juin 2025, l’Africa Corps a officiellement remplacé le groupe Wagner, marquant un nouveau chapitre dans la coopération militaire entre Bamako et Moscou. Les effectifs réels de cette nouvelle force restent sujets à débat.Selon des sources sécuritaires occidentales, l’Africa Corps compterait environ 1 500 hommes en juin 2025, un chiffre inférieur aux 2 500 mercenaires que Wagner avait déployés précédemment.Cette réduction s’accompagnerait d’une modification des missions, l’Africa Corps se concentrant davantage sur la formation et l’appui aérien que sur l’accompagnement direct au combat.

Le départ de Wagner n’a pas effacé les controverses liées à son intervention. Dans un rapport daté du 27 août, l’organisme investigateur The Sentry dresse un bilan sévère de l’action du groupe mercenaire : «Malgré sa réputation d’être prêt au combat et sa revendication occasionnelle de triomphes publics au Mali, la stratégie du groupe Wagner a été tourmentée par une succession d’échecs». Les méthodes brutales employées par Wagner auraient même contribué à aggraver la situation sécuritaire. Le massacre de Moura en 2022, où plus de 500 civils ont été tués – dont au moins 300 hommes exécutés – reste dans les mémoires. Un soldat des Forces armées maliennes (FAMA) confie à The Sentry : «Sans Wagner, il n’y aurait pas eu de Moura. Pas à une telle échelle, pas avec une telle durée, pas autant de morts».

Les rapports entre les forces russes et leurs homologues maliens semblent avoir été particulièrement difficiles. Selon les investigations de The Sentry, les soldats maliens «exècrent les Russes», leur reprochant de ne pas respecter la chaîne de commandement et de commettre des erreurs opérationnelles ayant conduit à des pertes en personnel et en matériel.La défiance était réciproque. Les survivants russes de l’attaque de Tin Zaouatine en juillet 2024 – où 84 mercenaires et 47 soldats maliens ont trouvé la mort – auraient accusé les services de renseignement maliens d’avoir sous-estimé le nombre de rebelles et de les avoir abandonnés pendant les combats.

La transition vers l’Africa Corps n’en est pas épargné. Le Timbuktu Institute révèle dans un rapport du 29 juillet que «jusqu’à 80 % des effectifs de l’Africa Corps sont des ex-mercenaires de Wagner». L’organisme alerte sur le fait que «l’Africa Corps hérite les antécédents de violation des droits de l’homme de Wagner, notamment les assassinats extrajudiciaires et les actes de torture».Ces pratiques contre-productives auraient même favorisé le recrutement des groupes jihadistes. Amadou Koufa, chef de la katiba Macina affiliée à Al-Qaïda, déclarait dans une interview sur France24 que la brutalité des Russes avait encouragé les habitants locaux à rejoindre la lutte pour «défendre leur religion, leur terre et leurs biens».

L’expérience malienne servirait de mise en garde, selon Justyna Gudzowska, directrice exécutive de The Sentry : «À mesure que Moscou étend ses tentacules dans le Sahel et change son image avec l’Africa Corps, il est crucial de bien comprendre que Wagner n’était pas la force de combat infaillible qu’il prétendait être». Charles Cater, directeur des enquêtes du Sentry, dresse un constat sans appel : «En fin de compte, le déploiement de Wagner n’était pas dans l’intérêt du peuple malien ou du gouvernement militaire, ni même dans celui du groupe mercenaire proprement dit». Un bilan qui interroge sur l’avenir de la présence russe au Mali et dans la région.

Au Mali, la stratégie d’encerclement de Bamako par les djihadistes du JNIM semble acter au plus haut niveau de l’action djihadiste. Derechef, les États-Unis ordonnent l’évacuation de leurs ressortissants face à la montée des attaques.Une colonne de fumée noire s’élève ce mardi 28 octobre près de Siribougou, à quelques kilomètres seulement de Bamako. Elle témoigne de la dernière attaque en date du JNIM contre un convoi de camions-citernes escorté par l’armée malienne.Le groupe djihadiste affilié à Al-Qaïda a une nouvelle fois frappé près de la capitale, semant l’inquiétude parmi la population et la communauté internationale.

Une stratégie qui permet au JNIM de récupérer le précieux carburant plutôt que de le détruire entièrement.Face à la dégradation sécuritaire, l’ambassade des États-Unis à Bamako a pris une décision radicale. Dans un communiqué officiel, elle « appelle les citoyens américains présents au Mali à quitter immédiatement le pays par avion commercial ». L’aéroport international de Bamako reste pour l’instant ouvert et des vols sont disponibles.Les autorités américaines déconseillent formellement les déplacements par voie terrestre. «Les routes vers les pays voisins peuvent ne pas être sûres en raison des attaques terroristes le long des autoroutes nationales», précisent-elles. Les ressortissants qui choisiraient de rester sont invités à préparer des plans d’urgence, «y compris la nécessité de s’abriter sur place pendant une période prolongée».

L’attaque de ce mardi s’inscrit dans une série d’opérations menées par le JNIM contre les approvisionnements en carburant de la capitale. Contrairement aux apparences, la destruction systématique des citernes n’est pas l’objectif premier des djihadistes. Une source sécuritaire explique : «Ils brûlent seulement les véhicules de tête et de queue pour bloquer le convoi, puis siphonnent le carburant des autres citernes». Ce précieux butin serait ensuite revendu à des trafiquants à des prix exorbitants. Un homme d’affaires malien révèle : «Le carburant est revendu à 100.000 francs le bidon de 20 litres». Un trafic qui ne pourrait opérer sans certaines complicités au sein de l’appareil sécuritaire.D’ailleurs, l’état-major de l’armée a mis aux arrêts plusieurs soldats ce week-end pour trafic de carburant.

Si les djihadistes n’ont pas encore tenté de prendre Bamako, les analystes y voient une stratégie réfléchie. «Le JNIM n’a aucun intérêt à marcher sur la capitale», explique un expert en sécurité sahélien. «Une telle attaque provoquerait un sursaut régional et international qui anéantirait des années d’efforts». La véritable stratégie du groupe dirigé par Iyad Ag Ghaly serait plus subtile. Il s’agirait de gagner la légitimité des populations rurales en se présentant comme une alternative à l’État dans les zones où l’administration est absente.Le JNIM chercherait à construire une image politique, à l’instar du Hezbollah ou des Talibans.

Le pouvoir malien, dirigé par le colonel Assimi Goïta, semble dépassé par la situation. Dans une récente déclaration, le leader de la junte a appelé «à la mobilisation» et reconnu que «le combat est long», sans pour autant proposer de solutions concrètes à la crise. Des paroles perçues comme creuses par une population confrontée à des pénuries chroniques. La situation actuelle rappelle dangereusement celle de 2013, lorsque les djihadistes étaient arrivés à Konna, à 600 kilomètres de Bamako.Aujourd’hui, ils opèrent à seulement 50 kilomètres de Kati, le quartier général de la junte, et à 18 kilomètres de la capitale. Une progression inquiétante qui explique l’alerte maximale des diplomates américains.

La reprise de Kidal par l’armée malienne masque mal la complexité d’un conflit qui nécessite une solution politique.Le nord du Mali vit au rythme d’une crise multidimensionnelle qui semble s’enliser. Alors que les affrontements entre l’armée malienne et les groupes jihadistes se poursuivent sans relâche, de nouveaux combats ont éclaté en août 2023 opposant les Forces armées maliennes (FAMA), soutenues par des paramilitaires russes, aux mouvements signataires de l’accord de paix de 2015.La prise de Kidal en novembre 2023 par l’armée malienne a constitué un moment fort de cette escalade.Cette ville, fief des rebelles depuis 2012, est tombée aux mains des FAMA après une offensive menée avec le concours des partenaires russes. Un événement perçu comme une victoire symbolique pour le pouvoir en place à Bamako.

La reconquête de Kidal représente sans conteste un succès pour les autorités de transition maliennes. Elle matérialise leur projet de réaffirmation de la souveraineté de l’État sur l’ensemble du territoire et séduit une partie de l’opinion publique, particulièrement hostile aux aspirations séparatistes d’une faction du Cadre stratégique permanent (CSP) qui rêve de créer une entité indépendante nommée «Azawad». Cependant, les experts mettent en garde contre tout triomphalisme prématuré.La reprise de Kidal ne signifie pas pour autant la fin des hostilités dans cette région instable. Les combats entre les FAMA et le CSP ont certes diminué en intensité depuis cet événement, mais aucun des belligérants ne semble en mesure de remporter une victoire décisive par la seule voie des armes.La reprise des hostilités au nord du Mali a engendré une détérioration significative de la situation humanitaire. Les combats des derniers mois ont forcé des dizaines de milliers de personnes à fuir leur foyer, augmentant le nombre de déplacés internes dans des proportions inquiétantes.

Dans de nombreuses localités du nord, l’accès aux services de base – alimentation, éducation, santé – s’est considérablement dégradé. Selon les organisations humanitaires, certaines régions comme Gao et Ménaka connaissent des taux d’insécurité alimentaire très élevés, poussant de nombreux habitants à la mendicité.En parallèle de ce conflit, la menace jihadiste continue de peser lourdement sur la région. Les groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique profitent des tensions entre les différents acteurs pour consolider leur emprise sur les zones rurales.Le JNIM, proche d’Al-Qaïda, et l’EI-Sahel étendent leur influence dans les régions du centre et du nord, bénéficiant du retrait des forces internationales et des lacunes dans le dispositif sécuritaire de l’État malien.Leur capacité de nuisance reste intacte, malgré les luttes intestines qui les opposent.

Face à cette situation complexe, la solution militaire apparaît de plus en plus insuffisante. Fin décembre 2023, les autorités maliennes ont annoncé la mise en place d’un dialogue intermalien, avant de déclarer un mois plus tard la fin de l’accord d’Alger.Cette nouvelle initiative de dialogue ouvre des perspectives d’apaisement que les belligérants devraient saisir. Les experts recommandent la négociation d’un cessez-le-feu et l’engagement vers des pourparlers inclusifs, seule voie capable d’aboutir à une paix durable.La communauté internationale observe avec attention l’évolution de la situation, consciente que la stabilité du Mali est cruciale pour l’ensemble de la région sahélienne. Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de ce pays meurtri par plus d’une décennie de crises successives.

Lors de son premier point de presse de l’année 2025, la Direction de l’information et des relations publiques des Armées (DIRPA) a dressé le bilan des Forces armées maliennes (FAMa) pour l’année écoulée. Sous la direction du Colonel-major Souleymane Dembélé, le rapport a souligné des progrès significatifs, même si les défis demeurent.Après une période de turbulence, l’année 2024 a été celle de la reprise en main du terrain. La décrue de la violence, notamment dans le nord, s’est accompagnée d’un effort de modernisation avec l’intégration de nouvelles filières en logistique et ressources humaines à l’École Militaire d’Administration.Par ailleurs, la mise en œuvre du Système de Gestion des Ressources Humaines (SIGRH) a permis une meilleure utilisation des effectifs.

Les infrastructures militaires ont également été renforcées, avec la construction de nouveaux camps, l’amélioration des conditions de logement pour les soldats, et la création d’un hôpital militaire dédié. Cette approche vise à consolider une armée plus professionnelle et mieux équipée. Sur le plan opérationnel, les FAMa ont poursuivi le démantèlement des groupes terroristes, notamment dans des zones clés du nord et du centre. La reconquête de Kidal, en particulier, a été perçue comme un symbole de la volonté de l’État de recouvrer sa souveraineté sur l’ensemble du territoire.Les opérations militaires se sont multipliées à Inafarak, Abeibara, Tinzaouatène, mais aussi à Niono pour sécuriser les récoltes et à Bandiagara avec l’opération «Diama Djéko». La neutralisation de hauts responsables terroristes a permis de réduire la menace, mais la menace terroriste reste forte et continue d’élaborer des attaques ciblées, notamment dans les régions de Ménaka et de Kati.

La lutte contre le financement des groupes armés et la désinformation a été renforcée en collaboration avec les partenaires AES. Ces initiatives visent à affaiblir la capacité des groupes terroristes et à stabiliser les régions en crise. L’année 2024 a été celle de la montée en puissance structurée des FAMa selon le Colonel Dembélé. La revalorisation de la chaîne de commandement, l’amélioration de la cohésion interne, et l’organisation de rencontres entre les chefs d’États-majors de l’AES ont permis une meilleure coordination. La définition commune des menaces et la tenue d’opérations conjointes témoignent d’une volonté collective de faire face aux défis sécuritaires.

Pour 2025, le plan prévoit la poursuite de ce renforcement, avec l’acquisition d’équipements modernes, la reconstruction des infrastructures et l’intensification des opérations militaires. La reconquête de régions clés, la neutralisation des groupes terroristes, et la restauration de l’autorité de l’État restent au centre des priorités. Malgré ces efforts, la menace terroriste n’est pas encore éradiquée. Des attaques régulières dans le centre et le nord, ainsi que des exactions dans des localités comme Moura, Ouenkoro et Keibané, illustrent la complexité des enjeux sur le terrain.

Sur le plan politique, la transition amorcée en 2020 a impliqué des réformes majeures et une concentration du pouvoir dans un contexte encore fragile. La volonté de renforcer la souveraineté et d’instaurer une gouvernance plus stable reste la priorité, malgré des tensions internes et une persistance de la crise sécuritaire. Les Forces armées maliennes ont aussi mené des actions pour soutenir la population. La distribution de vivres, l’aide médicale lors d’opérations de sécurisation, notamment l’opération Tassiga, illustrent leur rôle social dans un pays marqué par des difficultés économiques et sociales. Le bilan de ces cinq années témoigne d’un effort de reconstruction, certes en cours, mais confronté à de nombreux défis. La lutte contre le terrorisme, la stabilisation de l’économie, et la consolidation de la gouvernance restent à poursuivre pour apporter des solutions durables et répondre aux aspirations légitimes des Maliens.

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